Je Ne Croyais Pas Qu’Ils En Avaient Le Pouvoir (Opération Popeye)

Torture de prisonniers, bombardement d’écoles primaires au napalm, utilisation d’armes chimiques, et même droguer leurs propres soldats. La liste des atrocités que les américains étaient prêts à commettre pour gagner la guerre du Vietnam ne semble pas avoir de limites. Mais l’une des techniques utilisées et que vous pourriez ne pas croire est certainement la plus mystérieuse. Elle est très peu connue du grand public et je vais vous la dévoiler dans cet article.

La météo devient une arme

Toutes les grandes puissances ont déjà rêvé un jour d’avoir le pouvoir de contrôler la météo. Imaginez-vous à la tête d’un puissant pays capable de déclencher une tornade pour ravager les troupes ennemies. Vous auriez même peut-être le pouvoir de déclencher des éclairs pour griller le matériel militaire ennemi ? Quelle guerre ne pourriez-vous pas gagner avec un tel pouvoir ? 

C’est ce genre d’armes mystérieuses que le Department of Defense, c’est-à-dire le ministère de la défense américain a tenté de développer au début des années 1960. Mais l’oncle Sam n’avait pas pour ambition de créer la foudre ou les tornades. Pour un début, l’armée veut se contenter de provoquer de fortes pluies sur les routes empruntées par l’ennemi. L’objectif c’est de rendre ces routes impraticables en faisant tomber plus de pluie que d’habitude, même pendant la saison sèche. Et si au passage on peut obtenir des glissements de terrain pourquoi pas ?

La première fois qu’on entend parler de l’utilisation de la météo comme une arme c’était dans le cadre ce qu’on a appelé « opération Popeye ». L’armée américaine voulait utiliser l’arme météorologique pour faire pleuvoir et inonder la piste Ho Chi Minh. C’est une route passant par le Laos et le Cambodge et qui servait au transport des combattants et du matériel. 

Mais ce n’était pas la première fois que l’Amérique envisageait d’utiliser l’arme météorologique contre un ennemi. L’homme qui a découvert qu’on pouvait utiliser la météo pour faire la guerre s’appelle Vincent Schaefer. En 1946, il laisse tomber un peu par hasard un morceau de glace dans une chambre froide très humide. Il se rend compte que les morceaux de glace fracassée transforment son haleine en nuages chargé de gouttes d’eau. 

Aussitôt, il reproduit l’expérience à grande échelle au-dessus du Massachusetts. A l’aide d’un petit avion, il disperse près de trois kilogrammes de glace dans un nuage, ce qui provoque presqu’immédiatement une averse de neige. Il se trouve que son partenaire de recherche c’est Irving Langmuir, prix Nobel de chimie 1932 et tête pensante de la recherche militaire américaine. Entre 1947 et 1952, l’armée américaine a financé 255 missions d’ensemencement des nuages. Le but final bien sûr, c’est de provoquer des pluies interminables pour inonder et noyer les soviétiques, le grand ennemi du siècle. 

Avez-vous déjà entendu dire que l’armée soviétique a péri noyé dans de l’eau de pluie ? Bien sûr que non et c’est la preuve que le projet a lamentablement échoué. Mais si vous pensez que les américains ont laissé tomber l’idée, c’est mal les connaitre. Asseyez-vous confortablement, nous vous expliquons maintenant comment gagner une guerre en invoquant la pluie sur la tête de vos ennemis.

Une opération ambitieuse

Les USA sont entrés en guerre contre le Vietnam le premier novembre 1955 et malgré tout leur équipement militaire, ils n’ont pas pu la gagner aussi vite qu’ils le pensaient. Mettez-vous dans la peau des hauts gradés américains des années 60. Vous vous êtes précipités dans une guerre contre un petit pays, convaincu que la victoire serait un jeu d’enfant. Vous avez déjà bataillé dur pendant 12 ans avec toutes les armes en votre possession, mais l’ennemi vous résiste toujours. Tout à coup, un scientifique lève le doigt et propose d’utiliser la pluie pour stopper l’avancée des troupes ennemies. Est-ce qu’à ce moment, vous pouvez vous permettre le luxe de refuser ?

C’est dans cette situation que l’armée Américaine était lors du lancement de l’opération Popeye le 20 mars 1967. Elle était en guerre depuis 12 ans, sans résultat. Popeye s’est poursuivi jusqu’au 5 juillet 1972. Mais avant, il y a eu des tests pour vérifier l’efficacité de la technique. C’est ainsi que durant tout le mois d’octobre 1966, des pluies mystérieuses ont été provoquées, tout le long d’une bande de l’enclave, du Laos à l’est du plateau de Bolovens, dans la vallée de la rivière Se Kong. Evidemment, les USA n’ont pas trouvé nécessaire de prévenir le gouvernement du Laos. L’ambassadeur américain était au courant, et n’avait pas hésité à donner sa bénédiction. 

L’objectif de l’opération Popeye était de provoquer plus de pluies dans des zones ciblées pour empêcher les camions de ravitaillement militaire de l’ennemi vietnamien d’utiliser les routes. Le projet est tellement audacieux et controversé que l’ancien secrétaire américain à la Défense, Robert S. McNamara demande expressément au président de ne pas en parler officiellement, encore moins de demander l’avis de la communauté scientifique. 

On apprendra plus tard que même Melvin Laird, secrétaire américain à la Défense à cette époque n’avait pas été mis au courant. L’opération Popeye, qui consistera en une modification chimique du temps, a été menée depuis la Thaïlande en passant par le Cambodge et le Laos pour atteindre le Vietnam. Au lieu du secrétaire à la défense, on confie son parrainage au secrétaire d’Etat Henry Kissinger. Bien sûr, il bénéficiera du soutien stratégique de la CIA.

Au total, l’armée américaine a effectué 2300 missions d’ensemencement de nuages sans l’autorisation du secrétaire à la Défense Melvin Laird. Ce dernier avait catégoriquement refusé que la météo soit utilisée comme une arme. Mais rien ne pouvait arrêter les stratèges américains qui étaient galvanisés par les résultats prometteurs des tests. Oui parce que les essais effectués au Laos ont permis d’ensemencer 50 nuages qui ont produit des pluies si fortes que même un camp des forces spéciales américaines a été inondé. 

Il ne restait plus qu’à trouver des hommes et des avions pour mener les opérations proprement dites au-dessus de la piste Ho Chi Minh. Pour les obtenir, un homme va faire une étrange demande au secrétaire d’Etat. 

Le développement de l’opération

Le 13 Janvier 1967, une demande atterrit sur le bureau du secrétaire d’Etat. Elle stipule que le projet Popeye a besoin de 33 personnes supplémentaires et de deux avions C-130. C’est pourtant le genre de demande qui est souvent adressée au secrétaire à la défense. Il accorde tout de même la permission et le 20 Mars 1967, la toute première opération est lancée. 

Le 54e Escadron de reconnaissance météorologique décolle à bord de trois avions C-130 Hercules et deux avions F-4C Phantom. Ils partent de la base aérienne Udon Thani en Thaïlande. Les équipes se relayent pour effectuer deux sorties par jour. Officiellement, les avions sont en mission de reconnaissance météorologique. D’ailleurs, certaines personnes sont chargées d’effectuer des relevés, pendant que d’autres déversent des tonnes d’iodure de plomb et iodure d’argent. Ce sont les produits qui sont censés provoquer la pluie.

Au début, l’opération était limitée à la moitié orientale d’une bande de terre du Laos. Puis elle a été étendue le 11 juillet 1967 vers le nord jusqu’aux environs du 20e parallèle. Les avions devaient voler jusqu’à l’extrême ouest du Nord-Vietnam. De plus en plus confiants, le commandement américain ajoute la vallée d’A Shau au sud du Vietnam en septembre 1967. 

Finalement, c’est Jack Anderson, l’un des pères fondateurs du journalisme d’investigation moderne qui va révéler au public l’existence de l’opération Popeye. Il publiera un article sur le sujet en Mars 1971. L’affaire éveille immédiatement l’attention du New York Times qui publie à son tour un article le 03 Juillet 1972. Deux jours plus tard, l’opération Popeye est arrêtée. Finalement, personne ne peut dire avec exactitude quelle a été l’efficacité de cette opération.  Le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale en 1973 dira même que l’opération Popeye était un « Un gaspillage de temps et d’argent ». 

Maintenant imaginez la tête que le Secrétaire à la Défense Melvin Laird a dû faire quand cette affaire a éclaté. Vous êtes le ministre de la défense d’un pays en pleine guerre. Vous apprenez qu’une opération de cette envergure a lieu durant cinq longues années, pourtant vous l’aviez clairement interdite. Et plus grave, vous êtes allé devant le congrès jurer que les USA ne font usage d’aucune arme météorologique. Le pauvre a dû s’excuser, bien qu’il soit innocent.

La fin de l’opération

Il a été conclu que l’armé météorologique est trop instable et doit être abandonnée. En 1974, l’URSS propose une convention internationale prohibant toute manipulation de la météo à des fins militaires. De nombreux pays dont le Laos et les USA la signent. Elle entrera en vigueur un an plus tard en 1975. 

Vous avez remarqué qu’on a précisé « manipulation de la météo à des fins militaires » ? ça signifie que les pays ont encore le droit de manipuler les nuages et d’autres éléments, tant que ce n’est pas pour attaquer un autre pays. C’est peut-être ce que la Chine a fait en 2008 lors des jeux olympiques. Le « Bureau de la modification du temps » chinois avait promis qu’il ne pleuvrait pas sur Pékin pour la cérémonie d’ouverture. D’où pouvait bien venir une telle assurance ? La chine a-t-elle les moyens de manipuler la pluie ?

En tout cas, la domestication de la météo a un avenir prospère devant elle. Dans des pays tels que le Maroc, le Burkina Faso, l’Espagne, Israël et bien sûr les USA, on mène des expériences d’ensemencement des nuages pour arroser les plantes des zones trop arides. Ça pourrait contribuer à réduire la famine dans les zones désertiques. 

Sources :

https://en.wikipedia.org/wiki/Operation_Popeye

https://www.liberation.fr/sciences/2008/03/18/les-maitres-du-deluge_67527/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Popeye

https://www.lemonde.fr/archives/article/1968/01/11/des-americains-temoignent_3142643_1819218.html

https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1964-68v28/d274

Un commentaire

  1. J’avais déjà entendu parler de cette horreur, mais je n’avais pas tous ces détails.
    Oui, le champ militaire n’étant pas le seul, on peut donc se poser des questions sur certains phénomènes actuels. Sans prêter d’intention particulière, à qui que ce soit, l’utilisation de ces techniques, encore expérimentales, de même que les produits utilisés, a de quoi nous inquiéter, car cela peut avoir des conséquences pour l’ensemble de l’Humanité…. Pollution, effets sur la circulation des courants dans les hautes sphères célestes, et sur terre, mauvaises récoltes, sécheresse, inondations, famine… Certains puissants prennent l’ensemble de la Terre pour leur terrain de jeu et, comme des enfants, ne maîtrisent pas toujours l’impact de leurs actes… Prise de pouvoir sur notre planète….

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