Comment Les Bien-pensants Vont Vous Broyer

La Prohibition? C’était comme si tous les Américains avaient décidé de mettre leur propre cerveau en mode « arrêt » pendant quelques années. Et si je vous en parle aujourd’hui, c’est parce qu’il y a beaucoup de similitudes avec notre monde actuel. Mais pour comprendre comment ils ont pu en arriver là, il faut remonter à l’époque où beaucoup de gens refusaient les changements qui se produisaient dans leur pays. Vous savez, avec tous ces immigrants qui débarquaient, ces villes qui grandissaient, et tout ça. Les gens des petites villes se sentaient menacés par ces grandes mégapoles peuplées d’étrangers, et ils ont réagi en se cramponnant à leurs valeurs traditionnelles et en devenant super conservateurs. Et c’est comme ça qu’on en est arrivé à la prohibition, parce que boire de l’alcool, c’est comme si vous invitiez tous les problèmes à venir chez vous. Bref, c’était vraiment une époque étrange.

Et c’est là que les choses ont commencé à devenir vraiment intéressantes. Avant la prohibition, les gens buvaient surtout de la bière, et les saloons étaient comme des clubs sociaux pour les travailleurs immigrants. Ils pouvaient manger, recevoir leur courrier, téléphoner, et même mettre leurs objets de valeur à l’abri. Mais ces endroits étaient aussi des centres de réunions politiques, de jeux d’argent, et même de prostitution.

Alors bien sûr, les gens qui voulaient « purifier » la société ont commencé à les voir comme des foyers de corruption et de criminalité. Les femmes, qui étaient souvent les principales victimes de l’alcoolisme de leurs maris, ont été les premières à se lever pour la prohibition. Mais il y avait aussi des groupes religieux et des organisations comme la Société new-yorkaise pour la suppression du vice qui ont soutenu cette cause. Et bien sûr, le Ku Klux Klan a également appuyé la prohibition, parce qu’ils voyaient les saloons comme un moyen pour les immigrés catholiques de corrompre la société américaine pure et blanche.

TEMPÉRANCE TOTALE

Donc, en 1920, après des années de campagne, les États-Unis ont adopté la Prohibition. C’était un grand moment pour le féminisme organisé, qui avait travaillé dur pour obtenir l’interdiction de l’alcool et le droit de vote des femmes. Les femmes voyaient l’alcool comme une source régulière de violence domestique et de pauvreté pour les familles ouvrières, et elles ont été les principales forces derrière la campagne pour la prohibition. Depuis les années 1870, des groupes comme la Women’s Christian Temperance Union avaient organisé des campagnes pour interdire l’alcool, en soutenant les efforts du Parti prohibitionniste. Il n’est donc pas étonnant que ces deux lois soient devenues des lois en même temps, car elles étaient toutes les deux des victoires pour les femmes et pour ceux qui voulaient « purifier » la société.

Au cours des années 1890, la campagne pour la prohibition a été renforcée par un groupe de pression bien organisé appelé la Ligue antisaloon. Les saloons étaient attaqués par des prières et parfois physiquement, comme le faisait la célèbre activiste Carry Nation avec sa hachette pour casser les tonneaux d’alcool. Le nombre de personnes qui soutenaient la prohibition augmentait, ainsi que leur influence politique. Ils étaient si puissants qu’ils ont réussi à atteindre la Maison-Blanche. Le président Benjamin Harrison et sa femme étaient des teetotalers, et ils ne servaient pas d’alcool dans la résidence présidentielle. Cependant, l’opinion catholique, qui était minoritaire et principalement issue de l’immigration et des grandes villes, s’opposait à l’interdiction de la vente d’alcool. Les démocrates qui représentaient cette opinion étaient accusés d’appartenir au « parti du rhum, du catholicisme romain et de la rébellion » ce qui ajoutait une dimension religieuse et discriminatoire à cette question.

En 1920, les États-Unis ont décidé de mettre fin à l’alcool en interdisant toutes sortes de boissons, sauf pour les prêtres catholiques et les rabbins juifs qui ont été autorisés à boire du vin de messe. Mais heureusement pour les amateurs d’alcool, les États-Unis sont entourés de pays qui produisent de l’alcool de qualité, comme le Canada avec son whisky de seigle, les îles caribéennes avec leur rhum de canne à sucre, les Bahamas qui sont un lieu de contrebande populaire, Cuba avec son rhum, les îles françaises et hollandaises des Caraïbes et le Mexique avec sa tequila et son mescal. Donc, la prohibition est devenue un vrai casse-tête géopolitique pour les américains.

Pendant la prohibition, importer de l’alcool illégalement était un jeu d’enfant. Il suffisait d’avoir un peu d’argent pour acheter de l’alcool à bas prix dans les pays voisins et d’avoir un moyen de transport pour le faire entrer clandestinement aux États-Unis. Les bénéfices étaient énormes car les consommateurs étaient prêts à payer cher pour s’approvisionner en alcool illégalement. Ainsi, des réseaux criminels se sont formés pour fournir de l’alcool à la société urbaine, avec des bénéfices fabuleux pour les trafiquants. Les bars illégaux (speakeasies) se sont multipliés dans les villes, passant de 15 000 saloons avant 1920 à 32 000 speakeasies après l’interdiction.

Pour monter un réseau de contrebande d’alcool, il fallait des hommes forts et de confiance, un investissement initial et des armes achetées à bas prix sur le marché noir. Les bandes criminelles se sont formées selon un modèle d’association ethnique : Italiens, Irlandais, juifs, etc. Les relations entre les bandes étaient compliquées et les luttes pour le contrôle du territoire ont conduit à une conception du crime en tant qu’entreprise. Les Italiens, les juifs et les Irlandais ont convenu de reconnaître des zones de domination et de répartir les bénéfices. C’est ce que la presse a appelé « The Syndicate » ou le « crime organisé », qui a remplacé « The Mob » ou l’activité criminelle.

LE CRIME ORGANISÉ 

Heureusement, il était difficile de tout résoudre avec une mitraillette Thompson, même pour les criminels les plus violents. Les accords étaient nécessaires pour éviter les violences déchaînées lors des luttes pour le contrôle de Chicago, comme le célèbre « massacre de la Saint-Valentin » où Al Capone a tenté de se débarrasser de son rival irlandais Bugs Moran. La violence excessive, la couverture médiatique et l’impunité des criminels ont obligé le gouvernement fédéral à intervenir.

Le réseau de Capone a subi un démantèlement relatif, car son chef a été incarcéré pour évasion fiscale, le seul délit qu’on a pu lui imputer. Auparavant, Capone jouissait d’une certaine immunité grâce aux pots-de-vin qu’il versait à des policiers et à des politiciens locaux. Il était tellement puissant qu’il a même publiquement battu le maire de Cicero, la commune où il résidait, parce que ce dernier avait osé prendre une décision sans le consulter. Les gangsters disposaient d’une grande quantité d’argent, ce qui leur permettait de corrompre à tous les niveaux, de la police aux autorités les plus élevées. Le ministère de l’Économie, qui était responsable de la lutte contre la contrebande d’alcool, a dû licencier 706 de ses agents et en mettre 257 en examen

En plus du manque de moyens et de la corruption des autorités, la prohibition était mal vue par une grande partie de l’opinion publique, surtout dans les grandes villes. Les citadins considéraient cette interdiction comme une idée stupide imposée par des paysans aux croyances religieuses rétrogrades. Cela a créé une ambiance de mépris pour la loi, et c’est à cette époque que le mot « scofflaw » est apparu, désignant quelqu’un qui se moque des lois et des règlementations. Cela a également entraîné une alcoolisation massive de la société. Les jeunes citadins, en particulier les étudiants universitaires, ont transformé la boisson en un passe-temps divertissant et l’ivresse en un style de loisir élégant. L’écrivain Francis Scott Fitzgerald et son épouse Zelda étaient fréquemment ivres et ont contribué à cette culture de l’ivresse.

Un échec évident

En 1927, la prohibition était un échec évident, mais personne n’osait l’admettre politiquement. Lors des élections présidentielles de 1928, le gouverneur de New York, Alfred E. Smith, a été choisi comme candidat démocrate. Il était contre la prohibition et catholique. Mais malheureusement pour lui, il a perdu contre le candidat quaker Herbert Hoover qui ne voulait pas perdre son capital politique en accordant des concessions aux demandes des buveurs.

Mais lors des élections présidentielles de 1932, le successeur de Smith en tant que gouverneur de New York, Franklin Delano Roosevelt, s’est présenté comme le défenseur du changement. Il a été élu avec une écrasante vague de soutien et en mars 1933, il a légalisé la bière avec un taux d’alcool de 3,2%, ainsi que le vin et le cidre également légers. En décembre de la même année, un nouvel amendement constitutionnel, le 21ème, a annulé le 18ème et les revenus dérivés des impôts sur l’alcool ont désormais contribué à renflouer les finances du gouvernement pour lutter contre la Grande Dépression qui faisait des ravages dans le pays.

La prohibition, c’est comme essayer de mettre le feu à l’eau

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