Maintenant, La Triste Réalité des Agriculteurs

La douce mélodie du bourdonnement des abeilles, symbole de l’apiculture française, se transforme en un cri de détresse. La crise apicole en France atteint des proportions alarmantes, avec 63 % des apiculteurs luttant pour commercialiser leur récolte 2023. Malgré une demande intérieure considérablement supérieure à l’offre nationale, la concurrence féroce des miels importés menace de précipiter de nombreux apiculteurs dans l’abîme financier. À travers le témoignage poignant de Laurent Fichter, apiculteur en Alsace depuis 13 ans, plongeons au cœur de cette crise qui ébranle l’industrie apicole française.

La Lutte de Laurent Fichter

Laurent Fichter incarne le visage de l’apiculture française en crise. Depuis son installation en Alsace en 2011, il fait face à une incertitude grandissante quant à la pérennité de son activité. La raison principale de cette anxiété : l’invasion implacable des miels étrangers, proposés à des prix défiants toute concurrence. Bien que la demande française en miel dépasse l’offre nationale, les prix tirés vers le bas par les importations étrangères ont plongé Fichter dans une bataille financière difficile.

Dans les locaux de sa société à Ensisheim, dans la campagne nord de Mulhouse, Fichter expose avec dépit ses fûts de 300 kilos renfermant des miels de tilleul, de sapin et d’acacia. La récolte, terminée depuis plusieurs mois, demeure invendue chez les grossistes. « On n’a reçu aucune proposition. Au mois de septembre, ils nous ont dit qu’ils n’achetaient pas, qu’il fallait voir deux mois après. Deux mois après, toujours pas, et on se retrouve au mois de janvier, on n’a toujours pas écoulé la récolte », déplore-t-il, soulignant l’impasse dans laquelle il se trouve.

Difficultés Financières et Investissements

La situation de Fichter soulève des difficultés de trésorerie pour son entreprise. En 2019, il a investi dans un nouveau bâtiment d’exploitation et des machines modernes, cherchant à développer et professionnaliser une activité apicole familiale transmise depuis quatre générations. Cependant, avec 3 000 euros de crédit à rembourser chaque mois, la nécessité d’écouler ses dix tonnes de production devient cruciale. Bien que labellisés bio et répondant aux critères de l’Indication Géographique Protégée (IGP) « Miels d’Alsace », ses fûts, qui se vendent habituellement entre 11 et 13 € le kilo, restent désespérément invendus, même lorsqu’il accepte de réduire ses marges à 8 euros, alignant ses prix sur le miel conventionnel.

Fichter exprime son désarroi : « On fait l’effort d’une production de qualité, et finalement c’est presque comme si on avait travaillé pour rien ». La pression financière devient insupportable, et en mai, confronté à l’incertitude de pouvoir payer ses dettes, il envisage sérieusement la possibilité de voir son dur labeur anéanti. « Il va me rester quoi ? De finir comme un agriculteur qui se suicide ? Ce n’est pas le but », confie-t-il, pointant du doigt les banques qui refusent de jouer leur rôle de tampon dans ces moments difficiles.

De la Vente Directe à la Recherche d’un Second Travail

Si la vente directe a temporairement permis à Fichter de maintenir son activité pendant l’automne, il a dû prendre des mesures drastiques pour assurer la survie de son entreprise. Rédigeant son CV, il se tourne vers la recherche d’un second travail. À partir de lundi, il deviendra ouvrier dans une usine d’agro-alimentaire, espérant ainsi générer des revenus pour couvrir une partie des charges de son exploitation. « C’est un complément, pour ne pas perdre l’entreprise, pour ne pas perdre le bâtiment. J’y ai mis du cœur, je veux absolument éviter la liquidation judiciaire », explique-t-il avec détermination. Cependant, il anticipe avec pessimisme que certains de ses confrères ne pourront pas éviter ce sombre destin.

Une Crise Nationale

La situation de Fichter n’est pas une exception, mais plutôt le reflet d’une crise nationale dans le secteur apicole français. Selon la Fédération des Associations de Développement de l’Apiculture (Ada France), 63 % des apiculteurs français rencontrent des difficultés pour commercialiser leur récolte 2023. Bien que la demande de miel en France atteigne environ 45 000 tonnes par an, la production nationale estimée à 34 000 tonnes en 2023 ne parvient pas à satisfaire le marché intérieur. Les obstacles rencontrés par les producteurs trouvent leur explication dans la concurrence des miels importés, en provenance notamment d’Ukraine ou de Chine, proposés à des prix souvent inférieurs à 2 euros le kilo.

L’Arbitrage du Consommateur et l’Appel à l’Action Gouvernementale

Marie Lecal-Michaud, directrice générale du grossiste Famille Michaud, le plus important acheteur sur le marché français, souligne les efforts déployés pour promouvoir les miels français. Cependant, elle met en avant le rôle crucial du consommateur dans cette équation : « C’est le consommateur qui fait l’arbitrage au final, et on a du mal à vendre le miel français en grande distribution ». Elle rejoint le chœur de la filière apicole, plaidant pour une prise de conscience plus forte de la part des pouvoirs publics. « L’apiculture française n’est pas suffisamment prise en compte par les pouvoirs publics. L’attention des autorités est quasi-inexistante », affirme-t-elle, soulignant la nécessité de règles strictes et de contrôles efficaces pour protéger l’industrie apicole nationale.

La Suspension du Plan Ecophyto et ses Répercussions

Dans ce contexte déjà difficile, la suspension récente par le gouvernement du plan Ecophyto visant à réduire l’usage des pesticides a asséné un coup dur aux apiculteurs et à leurs abeilles. Ivan Broncard, président d’Ada France, exprime son inquiétude face à cette décision : « Je vois d’un très mauvais œil ces annonces. Si on revient en arrière sur les interdictions de certains pesticides, on risque de reprendre une claque et de perdre des ruches ». Il souligne le risque d’une diminution de la production, mais remet en question la pertinence de cette suspension comme solution durable.

Conclusion

La détresse de Laurent Fichter et la crise apicole en France révèlent une réalité amère et urgente. Les apiculteurs, tels des gardiens de l’écosystème, se battent pour leur survie face à la concurrence déloyale des miels importés et à l’indifférence des autorités. Au-delà du cas individuel de Fichter, c’est tout un secteur en péril qui réclame une attention immédiate et des mesures gouvernementales pour protéger une tradition séculaire et essentielle à l’équilibre de notre environnement.

Vous pouvez reproduire en tout ou partie de cet article à condition que cet avertissement soit inclus:   « Cet article vient du site www.drawmyeconomy.com, où François-Xavier partage régulièrement ses analyses sur l’actualité économique.»

Sources:

Merci à Denis pour cet article:

https://www.republicain-lorrain.fr/economie/2024/02/05/la-detresse-d-un-apiculteur-francais-face-aux-bas-prix-des-miels-importes

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