Maintenant, Les Agriculteurs En Ont Raz Le Bol

Depuis plusieurs mois, la France fait face à une montée de la contestation agricole, avec des manifestations et des blocages qui se multiplient à travers le pays. La grogne, partie du Tarn à l’automne dernier, a pris de l’ampleur, culminant récemment avec le blocage de l’autoroute A64 en Occitanie et des rassemblements devant des administrations. La question qui se pose désormais est de savoir si cette protestation des agriculteurs pourrait évoluer vers un mouvement d’ampleur nationale, comparable aux « gilets jaunes ». Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, estime que cela pourrait être le cas.

Le Premier ministre, Gabriel Attal, prend la situation au sérieux et doit rencontrer les représentants du puissant syndicat FNSEA ainsi que les Jeunes Agriculteurs pour tenter de trouver des solutions. Les revendications des agriculteurs portent sur une crise profonde qui touche non seulement la France mais aussi l’ensemble de l’Europe. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une probable baisse des revenus agricoles de 9 % en 2023, selon l’Insee, après deux années de hausse due à l’envolée des prix des matières premières.

Cette situation économique difficile est accentuée par plusieurs facteurs, notamment la hausse des coûts de l’énergie, des intrants (engrais, produits phytosanitaires), de la main-d’œuvre et de l’alimentation animale. La guerre en Ukraine perturbe également les flux d’importation en Europe, impactant les filières agricoles et faisant baisser les prix. Les agriculteurs français, principaux bénéficiaires de la Politique Agricole Commune (PAC) avec 9 milliards d’euros d’aides annuelles, contestent la stratégie de verdissement de l’agriculture européenne telle que définie dans le pacte vert de l’UE.

Ce pacte, visant à réduire de moitié d’ici à 2030 l’utilisation des produits phytosanitaires chimiques, a été rejeté par le Parlement européen fin novembre 2023. Cependant, les agriculteurs redoutent son retour et craignent qu’il entraîne une baisse de la production allant jusqu’à 15 %. Les conséquences pourraient être désastreuses, notamment avec la nécessité d’importer des produits de pays tiers ne respectant pas les mêmes normes environnementales que l’Europe.

Les agriculteurs dénoncent également le refus de Bruxelles de prolonger en 2024 la dérogation permettant de mettre en culture les terres en jachère, en pleine tension alimentaire due à la guerre en Ukraine. Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, pointe du doigt l’empilement des normes, prenant l’exemple des haies soumises à 14 réglementations différentes. Cette complexité administrative décourage les agriculteurs, les incitant à renoncer à des pratiques bénéfiques pour l’environnement.

La question de la simplification administrative devient cruciale, et les syndicats dénoncent la lenteur du gouvernement à mettre en œuvre les mesures promises. Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, reconnaît la nécessité de simplifier le mille-feuille de normes imposé aux agriculteurs et souligne l’importance d’accélérer sur ce sujet pour crédibiliser la parole publique.

La situation est également exacerbée par le vieillissement de la population agricole, avec plus de 150 000 agriculteurs bientôt à la retraite. Le projet de loi sur l’installation de nouveaux agriculteurs, initialement prévu pour le 24 janvier, est reporté de quelques semaines. Les syndicats, irrités par les reports successifs, attendent avec impatience cette loi censée favoriser le renouvellement des générations en agriculture.

Parallèlement à ces enjeux, les agriculteurs du Sud-Ouest font face à une flambée de cas de maladie hémorragique épizootique, entraînant des frais de soins vétérinaires importants. Le ministère de l’Agriculture annonce le remboursement de 80 % de ces frais ainsi qu’une indemnisation à hauteur de 80 % en cas de mort de l’animal. Cette situation sanitaire complexe vient s’ajouter aux défis économiques auxquels font face les agriculteurs.

Enfin, la question de la disponibilité de l’eau devient une préoccupation majeure, les agriculteurs étant les premières victimes du changement climatique. Un rapport parlementaire souligne une baisse de 14 % de la disponibilité de l’eau en France métropolitaine entre 1990-2001 et 2002-2018. Les projections indiquent une poursuite de cette tendance avec des précipitations en baisse de 16 à 23 % d’ici à 2050.

En conclusion, la crise agricole en France est le résultat d’une conjonction de facteurs économiques, environnementaux et administratifs. Les agriculteurs, confrontés à des défis multiples, expriment leur mécontentement à travers des manifestations et des blocages. Le gouvernement se trouve à un tournant et doit trouver des solutions rapides pour répondre aux revendications légitimes des agriculteurs et assurer la durabilité du secteur agricole français.

Vous pouvez reproduire en tout ou partie de cet article à condition que cet avertissement soit inclus:   « Cet article vient du site www.drawmyeconomy.com, où François-Xavier partage régulièrement ses analyses sur l’actualité économique.»

Sources:

https://www.lexpress.fr/economie/colere-des-agriculteurs-six-chiffres-revelateurs-du-malaise-ZPOZGNYKI5EDHFREY5N4NVMWRA/

https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/direct-colere-des-agriculteurs-les-blocages-saccentuent-ce-mardi-la7-coupee-dans-les-deux-sens-217d2d67-851d-44cc-8d94-cd4885d23225

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/en-direct-grogne-des-agriculteurs-l-a7-bloquee-dans-les-deux-sens-dans-la-drome-20240123

https://www.ladepeche.fr/2024/01/19/entretien-jai-obtenu-un-budget-historique-pour-notre-agriculture-assure-le-ministre-marc-fesneau-11705043.php

https://www.lopinion.fr/economie/absurdite-agricole-un-inventaire-a-la-pre-vert

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