Maintenant, l’Europe s’Effondre Face Aux USA

L’économie européenne se trouve actuellement dans une position délicate, accentuée par une série de crises successives, dont la pandémie de Covid-19 et le retour de l’inflation. Paradoxalement, les États-Unis, confrontés aux mêmes défis, semblent mieux naviguer dans ces eaux agitées, affichant des performances économiques impressionnantes. Alors que l’écart se creuse entre les deux géants économiques, il est essentiel d’analyser les multiples facteurs qui contribuent à cette divergence.

Les chiffres récents publiés outre-Atlantique font blêmir l’Europe. En 2023, le PIB des États-Unis a progressé de 2,5%, tandis que la zone euro se contente d’une croissance modeste de 0,5%. Une réalité économique qui soulève des questions et incite à comprendre les forces en jeu.

Historiquement, l’écart de richesse entre les États-Unis et l’Europe n’a cessé de se creuser depuis les années 1980. Selon les données de la Banque mondiale, le PIB américain a augmenté de près de 28% depuis la crise financière de 2008, tandis que l’économie européenne a crû d’environ 13% sur la même période. Aujourd’hui, le PIB par habitant en France, en parité de pouvoir d’achat, est inférieur de 40% à celui observé aux États-Unis.

Bert Colijn, économiste pour la banque ING, confirme cette tendance en affirmant que « l’économie de la zone euro stagne globalement depuis la fin de l’année 2022 et a perdu beaucoup de terrain par rapport aux États-Unis ces dernières années. »

Les raisons de ce déclassement relatif sont multiples, mêlant difficultés structurelles et facteurs conjoncturels. Le Wall Street Journal a souligné dans un article intitulé « Les Européens s’appauvrissent » que le Vieux continent est caractérisé par « une population vieillissante, qui préfère le temps libre et la sécurité de l’emploi aux revenus. » Cette dynamique a contribué à des décennies de croissance économique et de productivité médiocres, exacerbées par les crises du Covid-19 et la guerre en Ukraine.

Une analyse partagée par de nombreux économistes qui pointent du doigt la lenteur des réformes structurelles en Europe et la résistance aux changements nécessaires pour stimuler la croissance.

Un facteur clé qui a contribué à creuser le fossé entre les États-Unis et l’Europe est la politique budgétaire américaine extrêmement expansionniste. Dany Lang, enseignant-chercheur en économie à l’Université Sorbonne Paris-Nord, souligne sur BFM Business que les États-Unis ont la politique budgétaire la plus expansionniste depuis longtemps.

Un exemple frappant est la réponse rapide et massive de l’administration américaine face à la crise du Covid-19 en 2021. Un plan de sauvetage colossal de 1 900 milliards de dollars a été déployé, comprenant le versement de chèques aux ménages. Un an plus tard, le gouvernement américain a introduit l’Inflation Reduction Act (IRA), un plan de 370 milliards de dollars de subventions sur dix ans visant à développer l’industrie verte.

Cette capacité à mobiliser des ressources rapidement et massivement a été un atout majeur pour les États-Unis, creusant encore davantage l’écart avec une Europe qui, en raison de sa structure politique et économique complexe, a du mal à réagir de manière aussi agile.

Le « privilège exorbitant » du dollar offre également une marge de manœuvre financière considérable aux États-Unis. Leur capacité à accumuler une dette massive sans inquiéter outre mesure les marchés financiers leur confère une flexibilité que l’Europe ne peut égaler. Le déficit public américain dépasse actuellement 6% du PIB, contre un peu plus de 3% en zone euro. De plus, le ratio dette/PIB atteint plus de 120% aux États-Unis, comparé à moins de 90% en Europe.

Philippe Crevel, économiste et fondateur de Lorello Ecodata, souligne que les investisseurs ont « plus confiance dans les États-Unis » en raison de l’unité relative du pays par rapport à une Europe « divisée » à bien des égards. Ainsi, l’Union européenne se trouve contrainte de maintenir un certain sérieux budgétaire pour rassurer les investisseurs, contrairement aux États-Unis qui peuvent se permettre une croissance « achetée à crédit ».

L’Union européenne n’est pas restée inerte face aux subventions massives déployées outre-Atlantique. Après un plan de relance post-Covid de 750 milliards d’euros, elle a riposté à l’IRA américain en dévoilant le Green Deal, un plan industriel visant à relancer la compétitivité de l’industrie neutre en carbone. Cependant, ces plans successifs peinent à avoir un impact aussi rapide et puissant sur l’économie que l’IRA américain.

Nathalie Janson, professeure à Neoma Business School, souligne que la différence réside dans la rapidité d’obtention des fonds aux États-Unis par rapport à l’Europe. En raison du fonctionnement de l’Union européenne, où la gestion se fait au niveau européen, les processus sont souvent plus lents, entravant l’efficacité des mesures de relance.

Le système politique et économique fragmenté de l’Union européenne se révèle être un handicap en période de crise. En l’absence d’une véritable union des marchés des capitaux ou d’une union budgétaire, les États membres sont parfois contraints de répondre aux chocs de manière disjointe, avec des plans nationaux de différentes envergures, sans grande cohérence entre les pays.

Même lorsque la réponse est censée être commune, comme lors de la pandémie, les divergences d’intérêts entre les États membres tendent à réduire l’efficacité de ces initiatives. « Aux États-Unis, il y a un marché des capitaux unique et un État fédéral unique, alors que l’Europe, elle, n’est pas une zone totalement intégrée. La mise en œuvre de politiques y est toujours plus compliquée et avec des effets moindres, parce qu’il faut faire du saupoudrage. Le système européen est moins efficace mais il n’y a pas de consensus pour aller vers plus de fédéralisme », souligne Philippe Crevel.

Une autre pierre d’achoppement pour l’Europe est la crise énergétique. Le Wall Street Journal critique les gouvernements européens pour ne pas avoir apporté les réponses adéquates face à la crise inflationniste. Leur orientation vers les subventions aux employeurs plutôt qu’aux consommateurs a laissé ces derniers sans réserve de liquidités, contrairement aux Américains qui ont été incités à dépenser avec des chèques et ont bénéficié d’une énergie bon marché.

Les États-Unis, sur la voie de l’indépendance énergétique, n’ont pas subi la crise énergétique comme l’UE. Philippe Crevel explique que la croissance américaine repose également sur son positionnement économique en tant qu’État pétrolier, vendant du gaz et bénéficiant du marché du gaz naturel liquéfié (GNL) en pleine expansion. En revanche, l’Europe, confrontée à des factures énergétiques en hausse, a vu son secteur industriel, en particulier l’Allemagne, entrer en récession.

Une autre différence majeure réside dans les politiques monétaires adoptées par la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne. Les deux institutions ont amorcé une phase de resserrement monétaire en 2022 avec des hausses successives de leurs taux d’intérêt. Cependant, cette hausse aux États-Unis n’a pas affecté la croissance ni le marché de l’emploi, contrairement à la zone euro où elle a entraîné une contraction du crédit, pesant sur l’investissement et la consommation.

Frederik Ducrozet, responsable de la recherche macroéconomique chez Pictet Wealth Management, qualifie cela de « magie » et de « miracle ». Il souligne sur BFM Business que c’est « remarquable de voir qu’une économie peut tenir face à un choc monétaire pareil ». Philippe Crevel ajoute que si la zone euro subit davantage la remontée des taux, c’est parce qu’elle est « plus sensible », avec un financement des entreprises se faisant plus par crédit, alors qu’aux États-Unis, il se fait davantage par fonds propres.

Une des forces majeures de l’économie américaine réside dans le comportement des consommateurs. Malgré l’inflation, les ménages américains ont consommé leur épargne Covid et ont continué à dépenser. En revanche, les Européens ont préféré épargner davantage, avec un taux d’épargne des ménages atteignant 15% du revenu disponible en Europe, contre moins de 4% aux États-Unis.

Cette divergence dans le comportement des consommateurs a un impact significatif sur la croissance économique. La consommation, moteur essentiel de l’économie, a nettement ralenti en zone euro, tandis qu’elle continue de progresser aux États-Unis, dépassant de 10% son niveau de fin 2019 au 3e trimestre 2023.

Parmi les facteurs structurels expliquant l’écart croissant entre les deux économies figure la démographie. La démographie américaine est plus dynamique, avec un taux de fécondité supérieur à la moyenne européenne et une immigration économique en hausse. À l’inverse, la zone euro fait face au vieillissement démographique, avec une population active stagnante, voire en diminution.

La flexibilité du marché du travail aux États-Unis est également soulignée comme un élément différenciateur. Malgré une vulnérabilité accrue en période de crise, le marché du travail américain s’adapte rapidement lorsque l’activité repart. Le taux de chômage, actuellement à 3,7%, est bien inférieur aux 6,4% en zone euro à la fin de 2023. La rigidité de l’emploi en Europe est pointée du doigt, avec un système jugé moins favorable à la concurrence.

Philippe Crevel dépeint le système européen comme « frappé d’inertie » et peu propice à la création d’emplois, notamment en raison de la réglementation et des problèmes d’image auxquels les entreprises font face. Il souligne que le filet social européen, bien que protecteur, a un impact négatif sur la croissance en maintenant des entreprises peu viables en activité, contrairement aux États-Unis qui laissent place au processus de destruction créatrice.

Un indicateur préoccupant des difficultés européennes est la chute de la productivité observée ces dernières années, alors qu’elle repart aux États-Unis. Cette baisse, jugée « un sujet d’inquiétude majeur » par Philippe Crevel, creuse un écart phénoménal avec les États-Unis. La productivité a augmenté de 10 à 12% en 20 ans en zone euro, contre plus de 40% aux États-Unis.

Le Conseil d’orientation des retraites souligne que cet écart de productivité a débuté au milieu des années 1990 et persiste actuellement à environ 20% en deçà de celui observé aux États-Unis. Les explications avancées incluent l’effet de l’augmentation des taux d’emploi en Europe, les régulations fortes entravant l’innovation et l’utilisation des technologies de pointe, ainsi que le niveau d’investissement inférieur en Europe par rapport aux États-Unis.

Eric Chaney, conseiller économique à l’Institut Montaigne, prévoit que l’écart de productivité pourrait se creuser davantage avec le développement de l’intelligence artificielle, soulignant les orientations différentes entre l’UE et les États-Unis sur cette question. Il estime que la position européenne est axée sur la protection contre les excès de l’IA, tandis que les États-Unis adoptent une approche plus agressive.

En conclusion, la divergence économique entre les États-Unis et l’Europe s’explique par une combinaison complexe de facteurs. La politique budgétaire expansionniste américaine, la flexibilité du marché du travail, la démographie dynamique et la politique monétaire ont tous contribué à créer un environnement propice à la croissance outre-Atlantique. En revanche, les difficultés structurelles, la lenteur des réformes, la crise énergétique et la rigidité du marché du travail en Europe ont freiné la reprise et accentué l’écart de richesse. Pour l’Europe, la route vers une reprise durable nécessitera des réformes audacieuses et une coordination efficace au niveau européen, afin de surmonter les obstacles qui entravent actuellement sa croissance économique.

Vous pouvez reproduire en tout ou partie de cet article à condition que cet avertissement soit inclus:   « Cet article vient du site www.drawmyeconomy.com, où François-Xavier partage régulièrement ses analyses sur l’actualité économique.»

Sources:

https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/union-europeenne/pourquoi-l-economie-europeenne-decroche-face-aux-etats-unis_AV-202402030151.html?at_brand=BFMTV&at_compte=BFMTV&at_plateforme=twitter&at_campaign=Fan_pages&at_medium=Community_Management

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