L’Union européenne a officiellement lancé, mardi dernier à Luxembourg, les négociations d’adhésion de l’Ukraine. Cet événement a été qualifié d’historique, aussi bien à Bruxelles qu’à Kiev. Toutefois, le chemin qui mènera à une éventuelle intégration de l’Ukraine au sein des Vingt-Sept est semé d’embûches.
Un Moment Historique
Le terme « historique » a été largement utilisé pour décrire l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Charles Michel, président du Conseil européen, et Volodymyr Zelensky, président ukrainien, ont tous deux souligné l’importance de cette étape. Denys Chmygal, Premier ministre ukrainien, a affirmé que « Une Ukraine forte n’est pas possible sans l’UE, et une UE forte n’est pas non plus possible sans l’Ukraine », soulignant ainsi l’interdépendance croissante entre les deux entités.
Hadja Lahbib, ministre belge des Affaires étrangères, a prévenu que ces négociations seraient « rigoureuses et exigeantes ». Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a également salué cette nouvelle comme étant positive, même si la route vers l’adhésion est encore longue et complexe.
Les Obstacles Hongrois
Cependant, l’unanimité n’est pas totale au sein de l’UE. La Hongrie, représentée par son ministre des Affaires européennes Janos Boka, a exprimé des réserves, jugeant que l’Ukraine est encore « très loin » de remplir les critères nécessaires. La position hongroise s’est révélée problématique lors des discussions, Budapest ayant bloqué à plusieurs reprises des décisions cruciales concernant l’Ukraine.
En décembre dernier, 26 pays de l’UE ont dû user de toute leur ingéniosité pour convaincre la Hongrie de ne pas bloquer l’ouverture des négociations. Viktor Orban, Premier ministre hongrois, s’est finalement absenté d’un sommet des dirigeants des 27, permettant aux autres de procéder à l’ouverture des négociations.
La Hongrie, état membre de l’UE le plus proche de la Russie, bloque également toute aide militaire européenne à Kiev. Les perspectives sont inquiétantes pour Bruxelles, notamment en raison de la présidence hongroise du Conseil de l’UE prévue pour le 1er juillet. Gabrielius Landsbergis, ministre lituanien des Affaires étrangères, a exprimé son agacement face aux blocages hongrois, estimant que « environ 40% des décisions voulues par l’UE sur l’Ukraine sont bloquées ».
Le Processus de Négociation
Les négociations d’adhésion sont encadrées par une conférence intergouvernementale (CIG). Après l’Ukraine, des discussions formelles avec la Moldavie devraient également être ouvertes. Une fois la conférence intergouvernementale lancée, les négociateurs devront vérifier la compatibilité de la législation ukrainienne avec celle de l’UE, une étape appelée « screening » qui peut durer de un à deux ans. Toutefois, dans le cas de l’Ukraine et de la Moldavie, ce processus pourrait être accéléré car les institutions européennes ont déjà une bonne connaissance de leur situation.
L’UE a demandé à Kiev de prendre des mesures contre la corruption et l’influence des oligarques, et de mieux intégrer les minorités, une demande appuyée par Budapest en raison de la présence d’une communauté hongroise en Ukraine. En juin 2022, l’Ukraine a obtenu le statut de candidat à l’adhésion, un geste symbolique quelques mois après le début de la guerre avec la Russie. Cependant, cette ouverture de négociations n’est qu’une étape dans un processus long et difficile.
Les Enjeux Économiques et Politiques
L’Ukraine, pays de plus de 40 millions d’habitants et puissance agricole, présente des défis considérables pour l’UE, notamment en termes de financement. L’intégration de l’Ukraine signifierait que les aides financières européennes devront être augmentées, ce qui pourrait poser problème dans un contexte économique déjà tendu pour l’UE.
Volodymyr Zelensky a salué l’ouverture des négociations comme la réalisation d’un « rêve européen ». Il espère que ce processus facilitera l’obtention d’aide militaire et économique de l’UE pour soutenir Kiev dans sa guerre contre la Russie. Un haut responsable ukrainien, Igor Jovkva, a souligné que l’aide de l’UE sera désormais perçue comme destinée à un futur membre de l’Union, et non à un pays tiers, ce qui pourrait changer fondamentalement l’approche des États membres.
Une Adhésion Longue à Concrétiser
La perspective d’une adhésion rapide reste incertaine. Kiev devra mener les négociations de manière intensive tout en défendant ses intérêts économiques. L’adhésion ne se produira probablement qu’après une « victoire » sur la Russie, selon les responsables ukrainiens, ce qui implique que les conditions géopolitiques devront être radicalement différentes.
Conclusion
L’ouverture des négociations d’adhésion entre l’UE et l’Ukraine est une étape cruciale mais complexe. Elle symbolise l’espoir d’un futur commun et plus stable, tout en mettant en lumière les défis économiques et politiques que cette intégration pose. L’UE doit naviguer entre soutien indéfectible à l’Ukraine et réalités économiques internes, tout en gérant les divergences politiques au sein de ses propres rangs. Cette situation met en lumière la nécessité pour l’UE de trouver un équilibre entre ses valeurs de solidarité et les impératifs économiques et stratégiques.
L’adhésion de l’Ukraine à l’UE pourrait transformer la dynamique européenne, mais elle nécessitera une volonté politique ferme, des réformes internes significatives en Ukraine, et une capacité de l’UE à surmonter ses propres divisions. L’issue de ce processus dépendra autant de la résilience ukrainienne que de la cohésion et de la détermination européenne.
Sources:
Merci à krikri pour cet article:
